Variations sur un thème
Les 3 premiers films de cette saison s'inscrivent dans une continuité thématique. Comment l'homme peut-il être à la source du mal et de la violence ? Celle infligée à ses congénères mais aussi aux animaux. Mais l'homme n'est-il pas un animal comme les autres ?
L'homme est la seule espèce qui se détruit elle-même, la seule à construire les propres armes de sa perte et de sa destruction.
M. Haneke est un cinéaste qui nous offre toujours matière à penser. Ses sujets sont parfois difficiles, comme c'est le cas pour Funny games, et nous ne sortons pas indemnes de son visionnage, mais c'est le prix à payer pour pénétrer son art et dans l'antre de la réflexion. Peut-on penser la violence en ne la montrant pas ?
Au hasard Balthazar est un météore dans l'histoire du cinéma, un film qui ne ressemble à aucun autre tant dans le fond que dans la forme. Le destin tragique d'un âne qui subit les affres de la violence et de la tyrannie des hommes. Ne serait-ce pas de notre pauvre destin dont parle R. Bresson ?
Enfin un autre film poignant, Johnny got his gun, retrace l'histoire tragique d'un soldat américain lors de la première guerre mondiale. Alité et condamné, Joe ne possède plus ses membres et n'aura que sa conscience pour communiquer. Tiré d'un roman de Dalton Trumbo qu'il aura mis plus de trente ans à adapter pour le cinéma, le film reste l'un des plus grands plaidoyer contre la guerre. Est-on humain sans un corps ? Où commence la vie ? La vie n'est-elle pas la perception du monde ? Voilà autant de question que suscite cette œuvre majeure et culte du cinéma.
Au hasard Balthazar est un météore dans l'histoire du cinéma, un film qui ne ressemble à aucun autre tant dans le fond que dans la forme. Le destin tragique d'un âne qui subit les affres de la violence et de la tyrannie des hommes. Ne serait-ce pas de notre pauvre destin dont parle R. Bresson ?
Enfin un autre film poignant, Johnny got his gun, retrace l'histoire tragique d'un soldat américain lors de la première guerre mondiale. Alité et condamné, Joe ne possède plus ses membres et n'aura que sa conscience pour communiquer. Tiré d'un roman de Dalton Trumbo qu'il aura mis plus de trente ans à adapter pour le cinéma, le film reste l'un des plus grands plaidoyer contre la guerre. Est-on humain sans un corps ? Où commence la vie ? La vie n'est-elle pas la perception du monde ? Voilà autant de question que suscite cette œuvre majeure et culte du cinéma.
SL
Citations
Sur la violence
A- Qu'est-ce que c'est?
1-
"C'est un genre de force, mais passionnée et qui vise à
briser la résistance par la terreur. La violence définit le
crime, lorsqu'elle s'exerce contre la personne humaine. Et la loi
des punitions est au contraire qu'elles soient entièrement purifiées
de violence." Alain, Les Arts et les Dieux, Pléiade,
page 1095.
2- "La
violence s'oppose si peu à la faiblesse que la faiblesse n'a
souvent pas d'autre symptôme que la violence; faible et brutale,
et brutale parce que faible précisément." Jankélévitch, Le
pur et l'impur, page 169.
3-
"En dépit des atrocités qu'ils commettent, des hommes
peuvent alors éprouver le sentiment d'être absolument dans leur
droit. La pensée conceptuelle et la responsabilité morale
atteignent leur niveau le plus bas." K. Lorenz, L'agression,
Flammarion, page 256.
- "En
revanche, la réaction agressive provoquée par la proximité de
trop nombreux voisins n'a rien à voir avec la culture ... Le
besoin d'espace, de territorialité est un facteur inné:
l'observation prouve que la charité humaine disparaît lorsque
les hommes vivent trop serrés." K. Lorenz, L'Express,
1/06/70
4-
"La guerre est donc un acte de la force par lequel nous
cherchons à contraindre l'adversaire à se soumettre à notre
volonté." Clausewitz, De la guerre, page 3.
5-
"La non-violence a pour condition préalable le pouvoir de
frapper. c'est un refrènement conscient et délibéré du désir
de vengeance que l'on ressent." Gandhi, Lettres à L'Ashram,
Albin Michel, page 88.
6-
"Mais, en étant violents, nous nous éloignons de la
conscience et de même en nous efforçant de saisir
distinctement le sens de nos mouvements de violence, nous nous éloignons
de ces égarements et de ces ravissements souverains qu'elle
commande." Bataille, L'érotisme, 10/18, page 213.
7-
"Il y a violence, lorsqu'elle est de nature à faire
impression sur une personne raisonnable, et qu'elle peut lui
inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal
considérable et présent." Article 1112 du Code civil.
8-
"Cependant, en chacun de nous, croyant s'élever à l'absolu
en s'acquittant d'une mission divine Abraham, dans un geste
silencieux qui a l'irrationnelle et ténébreuse beauté du Dies
Irae lève le couteau." Léon-Louis Grateloup, Nouvelle
anthologie philosophique page 367.
9-
"Beaucoup de penseurs... se sont plaints de la facilité avec
laquelle nous sommes disposés, ne tenant aucun compte de la
prohibition du meurtre, à supprimer mentalement tout ce qui se
trouve sur notre chemin." Freud, Au-delà du principe du
plaisir, Essais de psychanalyse, Payot, page 264.
10-
""Violence" vient du latin vis, qui signifie
"violence", mais aussi "force",
"vigueur", "puissance"; vis désigne plus précisément
l' "emploi de la force", les "voies de fait",
ainsi que la "force des âmes". R. Dadoun, La
violence, Coll. Optiques de Hatier, page 6.
B- Racines
de la violence
1-
"L'origine de la guerre est la propriété, individuelle ou
collective, et comme l'humanité est prédestinée à la propriété
par sa structure, la guerre est naturelle. L'instinct guerrier est
si fort qu'il est le premier à apparaître quand on gratte la
civilisation pour retrouver la nature." Bergson, Les deux
sources de la morale et de la religion, chapitre IV, PUF,
Oeuvre, page 1217.
-"On se bat
pour n'être pas affamé, dit-on, -en réalité pour se maintenir
à un certain niveau de vie au-dessous duquel on croit qu'il ne
vaudrait plus la peine de vivre." ibidem, page 1219.
2- "Le
combat est le père et le roi de tout. Les uns, il les produit
comme des dieux, et les autres comme des hommes. Il rend les uns
esclaves, les autres libres." Héraclite, Fragments, n°60
3-
"Je vois des peuples infortunés gémissants sous un joug de
fer, le genre humain écrasé par une poignée d'oppresseurs, une
foule affamée, accablée de peine et de faim, dont le riche boit
en paix le sang et les larmes, et partout le fort armé contre le
faible du redoutable pouvoir des lois." Rousseau, Pléiade,
tome 3, page 608, Gallimard.
4-
"L'homo sapiens est beaucoup plus porté à l'excès que ses
prédécesseurs et son règne correspond à un débordement de
l'onirisme, de l'éros, de l'affectivité, de la violence . E.
Morin, Le paradigme perdu, Seuil, page 124
5-
"De la sorte, nous pouvons trouver dans la nature humaine
trois causes principales de querelles: premièrement, la rivalité;
deuxièmement, la méfiance; troisièmement, la fierté... Dans le
premier cas ils usent de violence pour se rendre maîtres de la
personne d'autres hommes, de leurs femmes, de leurs enfants, de
leurs biens." Hobbes, Léviathan, Sirey, page 122.
6-
"En tant que les hommes sont en proie à la colère, à
l'envie, ou quelque sentiment, ils sont entraînés à l'opposé
les uns des autres et contraires les uns aux autres, et d'autant
plus redoutables qu'ils ont plus de pouvoir et sont plus habiles
et rusés que les autres animaux." Spinoza, Traité
politique, chapitre II, §14.
7-
"En tant qu'elle est opération de l'autre, chacun tend donc
à la mort de l'autre." Hegel, La Phénoménologie de
l'Esprit, tome I, Aubier, page 159.
8-
"Le but de l'autre instinct (thanatos) est de briser tous les
rapports donc de détruire toute chose. Il nous est permis de
penser de l'instinct de destruction que son but final est de
ramener ce qui vit à l'état inorganique, et c'est pourquoi nous
l'appelons instinct de mort." Freud, Abrégé de
psychanalyse, PUF, page 7.
- "Par suite
de cette hostilité primaire des hommes les uns envers les autres,
la société de la culture est constamment menacée de désagrégation."
Freud, La malaise dans la culture, PUF page 54.
9-
"De même que les dieux, les idées se livrent bataille à
travers les hommes, et les idées les plus virulentes ont des
aptitudes exterminatrices qui dépassent celles des dieux les plus
cruels... Les faits sont têtus disait Lénine. Les idées sont
encore plus têtues et les faits se brisent sur elles plus souvent
qu'elles ne se brisent sur eux." E. Morin, La méthode,
IV, Seuil page 121.
10-
"La violence du temps creuse dans l'âme des pertes irrémédiables
-mémoire fissurée, croulante; de même elle creuse dans la
chair, avec une aveuglante et précise efficacité cette empreinte
qui se nomme vieillissement. Permanente et inflexible violence du
vieillir..." R. Dadoun, La violence, Optiques Hatier
page 53.
- "Malgré
foudres et embrasements, aveuglantes et mortelles lueurs qui nous
ont jusqu'ici éclairés, les voies et voix qui conduisent (à) la
violence nous demeurent obscures." R. Dadoun, La violence,
Optiques Hatier page 78.
C-
Violence et société
1- "Il faut prendre la société au moment où elle est complète, c'est à dire capable de se défendre, et par conséquent, si petite soit-elle organisée pour la guerre." Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, PUF, Oeuvres, page 1211.
2-
"Qu'est-ce que la société, quelle que soit sa forme? Le
produit de l'action réciproque des hommes... Posez telle société
civile, et vous aurez tel État politique, qui n'est que
l'expression officielle de la société civile." Marx, Lettre
Annenkov, Oeuvres I, pléiade, page 1439.
3- "Voici
plus de cinquante ans que se dresse cet État énorme maintenu par
des cercles d'acier: les cercles sont là, mais de lois, IL N'Y EN
A PAS ." Soljenitsyne, L'archipel du Goulag, 3, page 451.
4- "Les élèves
les plus âgés ont tout pouvoir sur leurs cadets et ne tardent
pas à se transformer en tortionnaires appliqués." Musil, Les
désarrois de l'élèves Törless, Seuil, Résumé.
5- "Par
suite de cette hostilité primaire des hommes envers les autres,
la société de la culture est constamment menacée de désagrégation."
Freud, La malaise dans la culture, PUF, Quadrige, page
54.
6- "... La
violence joue encore dans l'histoire un autre rôle, un rôle révolutionnaire;
que selon les paroles de Marx, elle soit l'accoucheuse de toute
vieille société qui en porte une nouvelle dans ses flans;
qu'elle soit l'instrument grâce auquel le mouvement social
l'emporte et met en pièces des formes politiques figées et
mortes..." Engels, Anti-Dühring, Edistions
sociales, page 216.
7- "C'est
ici que le rôle de la violence nous apparaît comme singulièrement
grand dans l'histoire; car elle peut opérer, d'une manière
indirecte sur les bourgeois, pour les rappeler au sentiment de
leur classe." J. Sorel, Réflexions sur la violence,
Ed. Rivière, page 98.
8- "La
prison fabrique des délinquants, mais les délinquants sont
finalement utiles, dans le domaine économique comme dans le
domaine politique." M. Foucault, Magasine littéraire n°101,
page 28.
9- "Une
fondation de droit est une fondation de puissance et, dans cette
mesure, un acte de manifestation immédiate de la violence."
W. Benjamin, Pour une critique de la violence dans l'homme, le
langage et la culture, Denoël, page 48.
10- "L'État
moderne est un groupement de domination de caractère
institutionnel qui a cherché (avec succès) à monopoliser, dans
les limites d'un territoire, la violence physique comme moyen de
domination et qui, dans ce but, a réuni dans les mains de
dirigeants les moyens matériels de gestion." Max Weber.
D- Guerre
et paix
1-
"L'origine de la guerre est la propriété, individuelle ou
collective, et comme l'humanité est prédestinée à la propriété
par sa structure, la guerre est naturelle." L'Instinct
guerrier est si fort qu'il est le premier à apparaître quand on
gratte la civilisation pour retrouver la nature. Bergson, Les
deux sources de la morale et de la religion, chapitre IV, PUF,
Oeuvre, page 1217.
- "Il faut que
tous se battent contre tous, comme firent les hordes des premiers
temps. Seulement on se bat avec les armes forgées par notre
civilisation, et les massacres sont d'une horreur que les anciens
n'auraient même pas imaginée." Ibidem, page 1219.
2- "Les
thèses caractéristiques d'une philosophie de la guerre peuvent
être regroupées en plusieurs types d'argumentations. Le premier
est d'ordre anthropologique, et il considère que la guerre fait
partie de la nature humaine. Le deuxième est d'ordre politique,
et il considère que toute politique se fonde sur la guerre et se
justifie par la guerre. Le troisième allègue les lois de la vie
ou les lois de l'histoire, et il considère que la guerre est créatrice
de valeur d'ordre ou de justice." M. Castillo, La paix, Optiques,
Hatier, page 4.
- "La guerre ne
saurait être représentée comme un droit; elle est le phénomène
qui fait absolument obstacle au droit..." Ibidem page 22
3-
"Ainsi ce n'est pas la paix qui est par le droit; car, par le
droit, à cause des apparences du droit, et encore illuminées par
les passions, c'est la guerre qui sera, la guerre sainte; et toute
guerre est sainte. Au contraire, c'est le droit qui sera par la
paix, attendu que l'ordre du droit suppose une déclaration préalable
de paix, avant l'arbitrage, pendant l'arbitrage, et après
l'arbitrage, et que l'on soit content ou non." Alain, Le
droit de la paix, Propos, tome 1 , Pléiade, Gallimard, page
434.
4-
"L'humanité seule est grande, elle est infaillible. Or je
crois pouvoir le dire en son nom: l'humanité ne veut plus la
guerre." Prudhon, La Guerre et la Paix, (fin)
5-
"Pour mériter la paix il ne suffit pas de ne pas désirer la
guerre. La véritable paix suppose un courage qui dépasse celui
de la guerre: elle est activité créatrice, énergie
spirituelle." E. Jünger, La Paix, Table ronde, page
151.
6-
"La guerre est un acte violent dans le quel l'emploi de la
force étant illimité, chacun des deux adversaires impose à
l'autre sa loi." Clausewitz
7-
"La guerre est donc divine en elle-même, puisque c'est une
loi du monde." J. de Maistre, Les soirées de Saint-Pétersbourg,
Entretien 7.
8-
"Donc, au degré de culture auquel est parvenu le genre
humain, la guerre est un moyen indispensable pour la perfectionner
encore." Kant, Sur les débuts de l'histoire humaine.
9-
"Quelquefois, il arrive qu'une nation conserve la paix à la
faveur seulement de l'apathie des sujets, menés comme du bétail
et inaptes à s'assimiler quelque rôle que ce soit sinon celui
d'esclave. Cependant, un pays de ce genre devrait plutôt porter
le nom de désert, que de nation!" Spinoza, Traité de
l'autorité politique, V § 5.
10-
"Nous trouvons dans la nature humaine trois principales
causes de discorde: tout d'abord, la Compétition; en second lieu,
la Défiance; et, en troisième lieu, la Gloire." Hobbes, Léviathan,
I. XIII.
E-
Ambivalence
1-
"Les hommes en général sont plus portés à ménager celui
qui se fait craindre que celui se fait aimer." Machiavel, Le
Prince.
2- "Les
plus grands maux qui accablent les peuples civilisés nous sont
amenés par la guerre et, à vrai dire, non pas tant par celle qui
réellement a ou a eu lieu, que par les préparatifs
incessants et même régulièrement accrus en vue d'une guerre à
venir." Kant, Sur les débuts de l'histoire humaine.
3-
"En attendant nous ne connaissons pas d'autre moyen qui
puisse rendre aux peuples fatigués cette rude énergie du champ
de bataille, cette profonde haine impersonnelle, ce sang-froid
dans le meurtre uni à une bonne conscience, cette ardeur commune
organisatrice dans l'anéantissement de l'ennemi... que ne fait
n'importe qu'elle grande guerre." Nietzsche, Humain trop
humain, § 477.
4-
"La révolution sociale est une expression de cette guerre
dont chaque grande grève constitue un épisode." J. Sorel, Réflexions
sur la violence, Page Libre, page 372.
Source : site Philagora