jeudi 25 avril 2019

Sur la curiosité...


Combien sont capables de discerner les centres névralgiques bénéfiques pour eux-mêmes, de savoir ce qui est important pour être heureux et ne pas se contenter de vivre ?

Les habitudes et le confort de nos vies nous enferment dans une relative répétition du même, mais qui diffère par l’impression que nous avons d’y trouver un intérêt renouvelé, que les conditions d’exercices permettent d’assouvir, du moins le croyons nous. L’homme a cette tendance à se réfugier dans un conformisme de la répétition et s’enfermant dans cette modalité, est incapable de s’en détacher. Or, c’est dans ce détachement qu’il est à même de trouver les ressources intérieures pour se sentir différent et d’éprouver de nouvelles sensations, de nouvelles émotions, c’est à dire de nouvelles perspectives pour lui-même.

L’éducation devrait commencer par ce principe éminemment utile et fondateur. L’enfance puis l’adolescence, en particulier, sont les moments de cristallisations les plus propices et adaptés pour aiguiser ce précepte. Ainsi, sommeillent en nous des potentialités qui ne pourront, pour certaines, que se révéler plus tard, mais le processus est enclenché pour laisser notre âme ouverte et disponible.

Il est souvent terrible de constater que pour certains il est (déjà) trop tard et ce que nous tentons, par les moyens de la passion, d’ouvrir l’autre à ses potentialités, n’est qu’une manifestation de notre propre désir d’éveiller ou de réveiller sa curiosité en ne faisant qu’exprimer la nôtre. Parfois, nous sommes heureux de constater qu’une résonance s’opère entre nos « messages » et « sa conscience » et souvent nous nous désolons de l’incapacité qu’à l’autre de se sentir concerné. C’est un terrible échec que de voir nos espoirs s’envoler en poussière. Il demeure des cas qui se traduisent par de véritables et authentiques rencontres pour lesquelles un écho s’est produit qui permet à l’autre se se frayer un chemin par ses propres moyens vers une passion qui ne le quittera plus. C’est cette réflexivité, dont le terreau familial, l’éducation, les rencontres, l’amour, l’amitié et l’Art produisent en nous que nous devrions rechercher sans cesse pour faire éclore une quintessence existentielle.

De plus, les étiquettes que nous mettons sur les choses, les autres et les faits ne font que renforcer cette tendance de l’être humain à croire que le monde est cliver, compartimenté et manichéen, c’est à dire sans filiation, sans lien. Toutes les connaissances s’interpénètrent les unes dans les autres et forment un tout dont nous n’aurons qu’une vague idée, même plus tard, et qu’il faut comprendre comme un système complet et complexe au sein duquel une place existe pour nous et surtout pour l’appréhension que nous avons du monde et des autres. L’éducation et la transmission ne devraient être que des processus de création de liens entre les différentes structures, entre les différentes connaissances, entre les différentes « disciplines ».

L’éveil au monde se fait par les détails pour l’enfant puis l’éveil aux autres se fait par la découverte de l’altérité, de la différence. Être sensible à ce qui nous échappe par essence, que nous ne comprenons pas de prime abord est la clé de voûte de cette immersion cognitive, intellectuelle, concrète que nous expérimentons de tout notre corps. Une sensation que quelque chose nous échappe mais que nous ressentons comme si nous la comprenions, au sens littéral du terme, comme si elle s’incluait, s’incorporer en nous, et qui échappe à la raison mais point aux autres sens. Ce sont ces frictions qu’il faut apprendre à reconnaître, à cultiver sans quoi notre âme est condamnée à errer dans le banal et le consensus, le trivial et l’ordinaire, la misère et le solipsisme. Il est heureux de constater qu’apprendre à connaître le monde et y trouver nos centres névralgiques passe par une plus grande connaissance de soi et de nos capacités à identifier la limite asymptotique vers laquelle nos sens et notre raison sont à même de se concilier. C’est cette cime qu’il faut viser pour (l') être Humain.

                               SL