" Chez tous les grands trompeurs, il faut noter un phénomène auquel
ils doivent leur puissance. Dans l’acte propre de la tromperie, parmi
toutes les préparations, le caractère émouvant donné à la voix, à la
parole, aux gestes, au milieu de cette puissante mise en scène, ils sont
pris par la foi en soi-même ; c’est elle qui parle alors à ce qui les
entoure avec cette autorité qui tient du miracle. Les fondateurs de
religions se distinguent de ces grands trompeurs en ce qu’eux ne sortent
jamais de cet état de duperie de soi-même : ou ils n’ont que très
rarement de ces moments de clairvoyance où le doute les assaille ;
ordinairement d’ailleurs, ils s’en consolent en attribuant ces moments
au Malin, qui est leur adversaire. Il faut qu’il y ait tromperie de
soi-même pour que les uns et les autres produisent un effet de grandeur.
Car les hommes croient à la vérité de tout ce qui est évidemment cru
avec force. "
Humain, trop humain I – Chapitre II - Pour
servir à l’histoire des sentiments moraux : 52. Le grain d’honnêteté
dans la tromperie - Nietzsche